Francophonie et Commonwealth : qu’apportent-ils aux pays africains ?

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Francophonie et Commonwealth : qu’apportent-ils aux pays africains ?

A l’instar du Cameroun et du Rwanda, le Gabon et le Togo, d’autres pays francophones annoncent leur volonté d’être membres du Commonwealth. Mais qu’apportent ces deux regroupements aux pays membres africains ?

La Francophonie et le Commonwealth sont deux institutions qui regroupent des anciennes colonies françaises ou britanniques.

Qu’est-ce que la francophonie ?

La Francophonie, c’est une organisation bâtie autour du français.

La langue commune compte 300 millions de locuteurs, répartis sur les cinq continents selon le dernier rapport en date de l’Observatoire de la langue française, publié en 2018.

L’ organisation internationale de la Francophonie créée en 1970 a également comme objectif la promotion de la diversité culturelle et linguistique, de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme, entre autres au sein des 88 Etats et gouvernements qui la composent.

Elle dispose d’une Charte de la Francophonie, adoptée en 1997.

Chaque deux ans l’OIF tient un sommet ordinaire qui rassemble les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres.

La Rwandaise Louise Mushikiwabo, dont le pays est aussi membre du Commonwealth, en est l’actuelle secrétaire générale .

  • Qui est Louise Mushikiwabo?

L’OIF met en œuvre la coopération multilatérale francophone aux côtés de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) et de quatre opérateurs : l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), TV5MONDE, l’Association internationale des maires francophones (AIMF) et l’Université Senghor à Alexandrie.

Qu’est ce que le Commonwealth ?

Le Commonwealth regroupe 54 pays qui totalisent une population de 2,4 milliards de personnes et comprend à la fois des économies avancées et des pays en voie de développement.

Les gouvernements des pays membres ont convenu d’objectifs communs tels que le développement, la démocratie et la paix. des valeurs et principes exprimés dans la Charte du Commonwealth.

Les racines du Commonwealth remontent à l’Empire britannique.

Mais depuis 1949, des pays indépendants d’Afrique, des Amériques, d’Asie, d’Europe et du Pacifique rejoignent l’organisation.

Le dernier en date est le Rwanda, en 2009.

  • La Gambie réintègre le Commonwealth

L’ organisme est piloté par le Secrétariat du Commonwealth créé en 1965 et dispose d’ une foundation dont le rôle est de soutenir la participation des personnes à la démocratie et au développement ainsi que du Commonwealth of Learning qui promeut l’apprentissage ouvert et l’enseignement à distance.

Après l’annonce du Gabon et du Togo, des pays membres de la Francophonie, de leur volonté d’intégrer le Commonwealth, comme l’ont déjà fait le Cameroun et le Rwanda, aussi des pays francophones, la BBC a fait appel à des analystes politiques du continent, pour mieux comprendre ce que ces deux institutions apportent aux pays africains. Mais aussi pour comparer leur style et leur rapport à leurs Etats membres.

Quels sont les avantages qu’offrent ces organisations aux pays africains ?

Le Commonwealth, contrairement à la Francophonie, semble avoir gagné en réputation au sein des pays africains, pour son modèle de développement, selon plusieurs analystes.

C’est ce qui explique peut-être qu’il y ait « un peu la guéguerre entre francophones et anglo-saxons du continent ».

L’analyste politique ivoirien, Sylvain Nguessan, explique qu’il y a « un mythe dans les pays francophones qui dit qu’il faut être un pays anglo-saxon pour pouvoir se développer ».

« Aucune colonie francophone n’a pu se développer jusqu’à présent contrairement aux pays anglo-saxons qui ont pu un tant soit peu prendre leur envol », souligne M. Nguessan.

M. Nguessan donne en exemple « le Rwanda, qui après son basculement dans le Commonwealth, a pu susciter un certain mode de vie qui est envié un peu partout en Afrique ».

« Direct rule » ou « indirect rule »?

Sylvain Nguessan souligne qu’il y a le fameux débat sur le ‘direct rule’ et l »indirect rule’ lors de la colonisation.

« Le Royaume-Uni laisserait plus de liberté aux dirigeants anglophones, contrairement à Élysée ou au Quai d’Orsay qui chercherait à tout contrôler », affirme l’analyste politique.

« Certains se disent qu’il y a une manière de réfléchir à la francophone et une manière de réfléchir à l’anglo-saxon. Et que quand on est anglo-saxon, on est plus enclin à se prendre en charge, on est plus porté sur l’entreprenariat », soutient-il.

« Quand on sort les pays où le PIB est amélioré, leurs efforts en tel ou tel domaine, en termes d’IDH (indice de développement humain), en termes de ‘Doing business’ ou termes d’indicateur de démocratie, on réalise que les pays francophones sont largement en retrait, contrairement aux pays anglo-saxons qui, tant bien que mal, essaient de progresser », rapporte Sylvain Nguessan.

« Certains pays se disent que s’ils basculaient dans le Commonwealth, ils pourraient jouir d’un minimum d’autonomie », poursuit Nguessan.

L’analyste sénégalais Bacary Domingo Mané, développe le même argumentaire.

Le professeur de Communication politique liste les opportunités qu’ont les pays membres du Commonwealth par rapport à ceux membres de la Francophonie.

« On ne peut pas simplement se limiter à l’aspect culturel, parce que certainement les gens dans les pays qui sont dans le Commonwealth ont beaucoup plus d’opportunités que ceux qui sont dans la Francophonie », explique M. Mané.

Par conséquent, dit-il, « cela peut aussi motiver les pays à s’émanciper, à aller chercher d’autres types de partenariats ».

La Francophonie, un système contraignant ?

Le modèle de développement de la Francophonie est perçu comme un modèle de domination à l’avantage de la France.

Sous ce rapport, il est jugé comme moins avantageux que celui du Commonwealth.

Pour Sylvain Nguessan, « en dehors des aides classiques financières et des bourses d’études, la coopération militaire et les diverses aides en terme de logistiques militaires », la France exerce sur ces anciennes colonies une politique trop contraignante.

« Les Français, c’est des gens qui avaient un style de domination, à la limite même, ils avaient une sorte de condescendance par rapport aux pays colonisés, tandis que le style anglais évidemment accorde une certaine liberté et une importance aux pays, rappelle Bacary Domingo Mané.

« Pour moi quand vous regardez la présence des Français dans les anciennes colonies et le mode d’ajustement, on en revient à la conclusion que c’est des gens qui ne respectent pas vraiment les peuples africains », estime l’analyste politique.

Sylvain Nguessan ajoute que Élysée « ne respecte pas assez » les dirigeants francophones.

« Nos dirigeants ont leur histoire personnelle avec l’Élysée qu’ils ne nous raconteront jamais. Par exemple, comment ils sont perçus par l’Élysée, comment ils sont traités au Quai d’Orsay. Quand ils ont besoin de certaines aides, comment leurs interlocuteurs réagissent », indique Nguessan.

Il donne en exemple l’ouvrage de Vincent Hugeux, « Tyrans d’Afrique, éditions Perrin », dans lequel, dit-il, « c’est comme s’il y avait un certain défi amoureux entre la plupart de nos dirigeants et l’Elysée, et ils ne verraient pas trop le besoin d’estime qu’ils attendaient de la part de Paris ».

« Quand vous lisez ce livre, il y a des pans entiers où on soulève les rapports personnels de nos dirigeants avec Paris », dit-il.

« En fait, Paris ne respecterait pas ces dirigeants. Donc, ils se voient plus ou moins contraints de se tourner vers d’autres puissances », précise-t-il.

La Francophonie « caisse de résonance » de Paris ?

Dans plusieurs pays d’Afrique francophones, de jeunes activistes se battent et rament à contre-courant des décideurs politiques considérés comme des « ambassadeurs » du système colonial.

« Aujourd’hui, avec le discours des activistes, surtout pour ce qui est de la Francophonie, avec la discussion sur le franc CFA, nous avons vu que les Africains n’en veulent plus parce que c’est un instrument pour eux de domination », souligne M. Mané.

L’analyste est convaincu que si le Gabon a pris la décision « de regagner le Commonwealth, en tout cas il y a cet aspect-là ».

C’est ce que Sylvain Nguessan explique en rappelant le combat de « la société civile francophone qui est un peu fatiguée de la mainmise de la France, de Paris sur certains dossiers ».

« Vous connaissez un peu l’histoire de l’ECO. Tout le monde tombe d’accord à Abuja, de manière unilatérale Macron et Ouattara lancent le projet à Abidjan », se désole Nguessan.

Cette manière d’agir, dit-il, pousse les observateurs à percevoir « les pays francophones comme des caisses de résonance de Paris, des grands enfants qui sont incapables de prendre leur autonomie vis-à-vis de Paris ».

« Cela agace un peu les leaders de la société civile francophone avec certains acteurs qui sont aujourd’hui au-devant de la scène, comme Kemi Seba, Natalia, les activistes maliens, etc. qui essaient de pousser nos dirigeants à prendre un peu leurs distances vis-à-vis de Paris. »

Bacary Domingo Mané est convaincu que l’Afrique doit bien prendre ses responsabilités et aller au-delà de ces regroupements régie par le tutorat anglais ou français.

« L »heure est venue pour les pays africains de sonner la rébellion, entre guillemets. C’est-à-dire prendre leur destin en main et orienter, diriger, imposer, prendre la direction qu’ils comptent administrer à leur vision de société », dit-il.

« C’est vrai qu’on ne peut plus vivre en autarcie, mais si l’Afrique veut vraiment s’émanciper, il faut voir d’autres types de regroupements où l’influence des anciens colonisateurs ne va plus peser », conclut-il.

Selon Sylvain Nguessan, « ça amène certains à se tourner vers la Russie comme on le voit en République centrafricaine (RCA) ou vers la Chine, comme on le voit un peu avec les pays de l’est et une partie des pays de la CEDEAO ».

« La révolte a sonné et certains pays africains qui veulent s’émanciper se disent qu’il faut qu’ils changent carrément de fusil d’épaule. Donc, on doit comprendre cette décision d’un pays comme le Gabon et d’autres s’en suivront. Il faut le dire », prophétise Bacary Domingo Mané.

  • La francophonie contre la radicalisation

« Au-delà de l’économie, c’est vraiment un problème politique parce que nous avons aujourd’hui la volonté affichée des pays africains de s’émanciper d’un certain type de management qui les contraint, les écrase et ne les respecte pas », indique-t-il.

M. Mané estime que « nous sommes aujourd’hui dans un espace où les rapports doivent être des rapports identitaires, en termes de partenariats et de respect mutuel ».

Pour lui, cette situation de « révolte », occasionnant des « départs » de ses membres vers le Commonwealth, « doit attirer l’attention des dirigeants de la Francophonie ».

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