Caporal Albert Kunyuku – RDC : « quand je pense à mes camarades, je perds l’appétit, je rejoins ma chambre et je pleure »

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Caporal Albert Kunyuku – RDC : « quand je pense à mes camarades, je

perds l’appétit, je rejoins ma chambre et je pleure »

Le caporal Kunyuku s’est subitement retrouvé sous le faisceau des projecteurs après avoir reçu la distinction de « Commandeur de l’Ordre de la Couronne » par le roi Philippe de Belgique, mercredi 8 juin à Kinshasa.

Cette cérémonie qui s’est déroulée en présence du chef de l’Etat congolais Félix-Antoine Tshisekedi, a réveillé beaucoup de souvenirs chez l’ancien combattant, malgré sa fierté.

« Quand le Roi Philippe m’a remis la médaille, j’étais très heureux. Je ne sais pas ce que ça va m’apporter, ça je n’en sais rien. Sinon, j’étais très heureux puisque c’est la première fois que je reçois une chose pareille venant d’un roi », confesse-t-il.

Albert Kunyuku n’a pas pour autant oublié ses frères d’armes avec qui il a participé à plusieurs expéditions sur différentes lignes de front au service de l’armée belge.

Il est le seul survivant congolais d’entre les 25.000 soldats qui étaient envoyés au front au nom de la Belgique.

« Je suis resté seul. Quand je pense à mes camarades, je perds l’appétit, je rejoins ma chambre et je pleure », raconte-il à la BBC en marge de la cérémonie.

« J’ai très mal au cœur quand je pense à tous mes camarades qui sont mort et moi je suis resté tout seul, ça me fend le cœur », poursuit-il.

Aujourd’hui âgé de 100 ans, Caporal Kunyuku dit remercier Dieu pour l’avoir préservé. « Je dis merci à Dieu. »

De l’enrôlement au front

Comme dans les autres pays colonisés d’Afrique, la RDC a aussi fourni un effort de guerre durant les deux guerres mondiaux (1914-1918 et 1939-1945). Les hommes et les adolescents aptes étaient enrôlés de force dans les armées coloniales.

C’était le cas du caporal Kunyuku qui a été forcé à intégrer les rangs de l’armée belge en 1943, à l’âge de 18 ans.

« J’étais enrôlé dans l’armée à l’âge de 18 ans. J’ai fêté mes 20 ans quand j’étais déjà en service, en pleine guerre de 39-45 », se rappelle-t-il.

« On m’a pris de force dans l’armée, ici dans la capitale. On m’a envoyé au CI [Centre d’Instruction] d’Ilebo-Mangala. C’est là que j’ai été formé pour l’armée. À la fin de cette formation, j’avais rejoint la 51ème bataillon de Kisangani », affirme le vieux soldat à la retraite.

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Après la formation rudimentaire au maniement des armes, Kunyuku avait quitté son pays.

« Quand nous avons quitté le Congo, nous sommes arrivés en Égypte. Nous avons ensuite quitté l’Égypte pour l’Israël. De l’Israël, nous sommes retournés en Égypte ».

C’était la phase des manœuvres. « Nous n’avons pas livré de combats en Égypte. C’était plutôt le début de la campagne, le début des manœuvres. On nous apprenait comment nous allions nous battre. Nous avons appris ça en Égypte. C’est une fois à Alger que nous étions prêt à combattre », dit-il.

De là, poursuit-il, « nous étions déployés en Birmanie ».

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Entre espoirs et déceptions

Le caporal Kunyuku n’a bénéficié d’aucune faveur depuis sa démobilisation.

« Ce que je peux dire est qu’on prenne bien soin de moi. Comment ? C’est à vous de savoir. Je souffre, je vis dans la misère, je souffre », confesse-t-il.

Selon lui, « il faut demander à l’État Congolais ou encore à l’État Belge pourquoi, nous n’avons pas eu la prime de guerre, même celui de 14-18 ? »

« Nous avons réclamé et nous continuons à le faire », explique le vieil homme.

« Je n’ai pas fait carrière dans l’armée. Quand on nous a dit qu’après toutes les batailles livrées et les souffrances subies de la guerre, ceux qui voulaient rejoindre leurs métiers pouvaient le faire, moi, j’ai repris mon travail de chauffeur-mécanicien. »

« Une prime, un petit rien qu’on nous donne, Je ne vois même pas s’il faut l’évoquer vraiment. Que puis-je dire d’un 600 Francs [$0.30], nous ne recevons rien du tout », dévoile-t-il.

Marié deux fois après avoir quitté l’armée, Caporal Kunyuku a huit enfants et plusieurs petit-fils.

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« Mes enfants encore vivants sont au nombre de huit. Je les ai eus de deux femmes différentes. La première femme est décédée et je me suis remarié cinq après. »

Après interruption, l’ancien militaire avoue qu’il a plusieurs petits-enfants.

« J’ai beaucoup de petit fils. Vingt, c’est peu. Ils sont nombreux. »

Vaincu par l’âge, il dit regretter ce qui se passe dans son pays.

« J’ai du mal comprendre ce qui se passe au Congo. Nos vies sont aux mains des politiciens. Il n’y a pas moyen de faire autrement. Vos yeux sont focalisés à la recherche de l’argent et les femmes. »

La distinction de « Commandeur de l’Ordre de la Couronne » reçu par Kunyuku est l’une des plus hautes distinctions du royaume de Belgique.

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